Dossier «L'Affaire du RER D» — Le Monde | ![]() | ![]() |
Des représentants de la communauté juive de France et le gouvernement français ont réagi vivement, dimanche 18 juillet, à l'appel lancé par le premier ministre israélien aux Juifs de France, les invitant à immigrer dans les plus brefs délais. Ariel Sharon a proposé, lors d'une réunion publique à Jérusalem, "à tous les Juifs de venir en Israël". Mais il a précisé que c'était "absolument nécessaire pour les juifs de France" qui devaient "bouger immédiatement", en raison d'un antisémitisme "déchaîné".
"En France, il se répand un des antisémitismes les plus sauvages qui soient", a déclaré M. Sharon, dont les propos tenus devant des représentants d'associations juives américaines, ont été diffusés par des télévisions françaises. "Aujourd'hui, à peu près 10% de la population est musulmane, ce qui permet l'essor d'une nouvelle forme d'antisémitisme fondée sur des sentiments anti-israéliens", a-t-il poursuivi, tout en admettant que le gouvernement français prennait "des mesures contre cet antisémitisme". "Voilà ce que je veux dire aux Juifs de France : immigrez en Israël aussi vite que possible", a-t-il ajouté.
Le porte-parole du Quai d'Orsay a fait savoir dans un communiqué que les autorités françaises avaient "immédiatement pris contact avec les autorités israéliennes pour leur demander des explications au sujet de ces propos inacceptables".
La déclaration d'Ariel Sharon intervient alors que l'opinion française est sensibilisée par une multiplication d'actes racistes et antisémites mais aussi par la récente affaire de la fausse agression antisémite dans le RER, qui a suscité une vive émotion au sein de la classe politique.
LE DÉPART DES JUIFS "NE SE POSE PAS"
Pour Richard Prasquier, membre du bureau exécutif du CRIF (conseil représentatif des institutions juives de France), c'est "mettre de l'huile sur le feu de façon inacceptable" que d'appeler les Juifs de France à aller en Israël. "La communauté juive est dans une inquiétude réelle pour l'avenir de ses enfants, elle sait que la classe politique française fait tout pour lutter contre cet antisémitisme", a-t-il dit. "Certains Juifs se posent des questions en France sur leur départ. C'est tout à fait vrai. Mais partir, cela veut dire qu'on considère que la situation ne peut plus être maîtrisée. Nous n'en sommes pas là", a-t-il ajouté.
Haïm Korsia, proche collaborateur du Grand Rabbin de France, Joseph Sitruk, a affirmé de son côté que le départ des Juifs de France "ne se pose pas". "Nous sommes une partie de l'âme de ce pays", a-t-il dit. "Juifs de France, cela ne veut rien dire, il y a des citoyens français qui sont juifs comme d'autres ont une autre religion".
Les autorités israéliennes ont à plusieurs reprises pointé du doigt la France, soulignant ainsi en janvier que la France était le pays dans lequel se sont produits le plus grand nombre d'incidents antisémites en 2003. Le directeur de l'Agence juive, organisme chargé de l'immigration vers Israël, Salaï Meridor, avait affirmé à Jérusalem que "de plus en plus de Juifs français estiment que leur avenir n'est plus dans leur pays".
Le nombre de départs de juifs de France poour Israël a pourtant baissé en 2003 (2 313 contre 2 566 en 2002). Mais il avait été multiplié par 2,5 par rapport aux années 2001 et 2000, selon l'Agence juive de France. Celle-ci, démentant en juin tout plan d'incitation au départ des Juifs de France, la plus grande communauté juive d'Europe occidentale, a décidé d'ouvrir des permanences dans plusieurs villes de France pour adapter le dispositif au départ "prévisible" de quelque 30 000 à 33 000 Juifs français, soit environ 6 % de la communauté, "dans un avenir proche". Le Grand Rabbin Sitruk avait alors réagi en affirmant que "la communauté juive en France a toujours bien vécu, heureuse, et elle envisage de le rester".
Avec AFP